200 ans d’histoire (46/52) : 2001, l’arbitrage passe à la vidéo

, 200 ans d’histoire (46/52) : 2001, l’arbitrage passe à la vidéo

En 2001, le rugby accepte le recours aux caméras pour trancher les litiges. L’arbitre est censé se sentir moins seul.

On ne peut pas parler de l’Histoire du rugby sans se pencher sur celui qui est au centre du jeu, l‘arbitre. Pendant plus de cent ans, il s’est débattu au plus près possible des mêlées, des regroupements, des touches en en provoquant des cris d’orfraie venus des tribunes. Il n’y a pas que dans notre sport que l’arbitre est sujet à la critique, mais il nous a toujours semblé que l’arbitrage d’un match de rugby revêtait une dimension subjective inédite dans les autres sports collectifs : trop de règles, trop de joueurs, trop de parties du corps concernées, tout ça sur un terrain très vaste. Un de nos confrères avait coutume de dire que ce jeu était impossible à légiférer de façon stricte. Mais en 2001, l’International Board prit une mesure révolutionnaire, il prit le grand virage de l’assistance vidéo, inaugurée par le Tournoi par Joël Dumé comme premier arbitre français y ayant recours. Le Top 14 prit la même direction en 2006. Un nouveau directeur de jeu installé en régie pouvait intervenir à l’abri des regards. La réforme était demandée depuis plusieurs années comme signe patent de modernité. « La totalité des arbitres avait été enthousiaste. Nous attendions ça bien sûr. Je me souviens qu’au début, elle ne s’appliquait que pour l’en-but. Puis après, en France, pour la zone des cinq mètres. Nous étions tous heureux car nous avions en tête des décisions litigieuses comme la finale de 1993 Castres-Grenoble et le fameux essai de Gary Whetton. Les gens ne s’imaginent pas que les arbitres souffrent de leurs erreurs », détaille Didier Méné, arbitre français de premier plan à l’époque.

En ces années 2000, la vidéo assistance faisait vraiment figure de panacée, on se met sans problème à la place des directeurs de jeu, en butte à plein de procès d’intentions, soi-disant téléguidés par la FFR pour nuire à certaines équipes et pas à d’autres. Le rugby put se targuer d’ailleurs d’être un sport pionnier en la matière, le foot attendra dix-huit ans pour s’y convertir. L’apparition de la vidéo fut l’occasion de débats passionnants entre deux camps pro et anti qu’on pourrait appeler les pragmatiques et les pointillistes.

Pour les pragmatiques, la vidéo permettait de résoudre les trois-quarts des cas litigieux. Pour les pointillistes, la vidéo n’éliminait pas la notion d’interprétation. Une image, même disséquée, restait sujette à caution. Le cas de l’arrière anglais Freddie Steward lors du dernier tournoi est édifiant. Il fut sanctionné d’un carton rouge au cours du match face à l’Irlande après vidéo mais sur la foi des mêmes images, ce carton rouge fut annulé par la commission de discipline. Le rugby restera toujours, c’est vrai, un sport d’interprétation notamment lors des nombreuses phases de jeu au sol où tout n’est qu’interprétation. Des « pointillistes » nous ont aussi expliqué que la vidéo tuait les émotions en refusant pour pas grand-chose un essai magnifique (on n’est plus dans la rationalité dans ce cas).

Recherche de vérité

Difficile de nier que dans certains cas, la recherche de la vérité effective est vaine. Il est d’ailleurs cocasse de se rappeler que l’une des premières décisions vidéo de l’Histoire concerna un essai de Brian O’Driscoll lors d’un Irlande-France (17 février 2001). L’arbitre de champ et le préposé à la vidéo s’étaient concentrés sur la course du joueur pour voir s’il n’avait pas mordu la ligne de touche et oublia de noter qu’il n’avait pas aplati le ballon. Les images montraient clairement qu’il avait perdu le contrôle de l’ovale au moment décisif. Un vrai couac. L’Histoire a montré que l’arbitrage vidéo n’a cessé d’élargir son champ d’action. Après la Coupe du monde 2007, les instances ont lancé un débat au sujet de l’extension à la totalité du terrain. Ceci venait après le fameux essai de Yannick Jauzion contre les All Blacks après une passe en avant entre Traille et Michalak. Joël Jutge, l’un des meilleurs arbitres français avait expliqué dans nos colonnes : « C’était passionnant… L’argument qui l’emportait, c’est lorsqu’un débatteur a posé la question suivante : « Peut-on vraiment être champion du monde après avoir bénéficié d’une erreur d’arbitrage manifeste ? Veut-on pour notre sport l’équivalent de la main de Diego Maradona lors de la Coupe du monde de football 1986 ? » On s’est rangé à cet argument, qui était probablement le plus pertinent… »

En 2014, on a autorisé les arbitres à remonter avec la video deux phases en arrière sur un essai marqué. L’arbitre vidéo a pu intervenir de lui-même sur du jeu déloyal. Puis les questions se sont complexifiées. L’arbitrage vidéo est donc devenu une vraie machinerie avec toujours les meilleures intentions.

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