Coupe du monde de rugby : Shaun Edwards et les secrets de la défense française

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Juste avant de rejoindre le XV de France, Shaun Edwards nous avait accordé une interview chez lui, à Canet-Plage. L’ancien demi de mêlée, – son poste de prédilection – de Wigan et du XIII d’Angleterre, est devenu aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes de défense dans le rugby mondial. Depuis 2020, après un passage remarqué avec l’équipe du pays de Galles, il est devenu le « Monsieur défense » du XV de France.

Shaun Edwards, qu’est-ce qui a le plus changé dans le rugby moderne, qui impacte tous les secteurs de jeu, dont la défense ?

Le temps de jeu, assurément. Il n’y a pas si longtemps, on enchaînait 3-4 temps de jeu par match. Aujourd’hui, on en est à 7-8 ! Il faut s’adapter au fait que l’adversaire tienne plus longtemps le ballon et multiplie les phases de jeu. Et il faut adapter les séances d’entraînement en fonction de cette évolution, et les séances de défense bien évidemment.

La défense n’a jamais trop figuré dans l’ADN du rugby français, qui a toujours préféré l’attaque…

(Il sourit…) Mais je crois que tout le monde préfère l’attaque à la défense. Même moi, quand je jouais, je préférais porter le ballon, avancer plutôt que d’avoir à plaquer. Bien sûr, c’est plus drôle de courir avec un ballon, de l’avoir entre les mains plutôt que de se positionner face au porteur pour l’arrêter. Je dirais que la défense est un mal nécessaire !

Mais indispensable dans le rugby moderne…

Oui. Vous savez, pour un entraîneur de la défense, préparer un match est une remise en question permanente. Vous devez savoir contre quel type d’équipe vous allez jouer, son style, ses préférences, ses individualités. Dans le rugby actuel, vous avez le style irlandais, celui qui caractérise les Springboks, le « french style », et puis ce que j’appelle « The shadow of players » , l’ombre des joueurs, c’est-à-dire leur profil, leurs forces, leurs faiblesses. Tout doit être analysé. Ce sont ces différences qui font la grandeur et l’attractivité du rugby. Tous ces styles différents, ces formes de jeu propres à chaque équipe, les façons d’attaquer, l’organisation défensive, le jeu au pied, font la richesse du rugby.

Shaun Edwards, serial winner !

Partout où il est passé, Shaun Edwards a connu le succès. Sans parler de sa fantastique carrière de joueur avec les Wigan Warriors (8 titres de Super League, 8 Cups, 3 fois vainqueur du World Cup Challenge), où le XIII d’Angleterre (36 sélections), depuis qu’il est devenu entraîneur à XV, il a aidé les Wasps de Londres à remporter trois titres anglais, une Coupe d’Angleterre, un Challenge européen et deux fois la Coupe d’Europe (2004, 2007).

Adjoint ensuite de Warren Gatland comme spécialiste de la défense du pays de Galles, il a gagné quatre fois le Tournoi, dont trois avec le Grand Chelem (2008, 2012, 2019). Contacté par le staff français et Raphaël Ibañez, qu’il a entraîné aux Wasps, il a rejoint le XV de France en 2020 et a participé au Grand Chelem des Bleus en 2022. A cet incroyable palmarès, il ne manque… qu’une Coupe du monde.

Que pensez-vous du style des Springboks sud-africains, champions du monde en titre ?

On le connaît. On sait que le style sud-africain repose davantage sur la puissance, la force et le défi physique que n’importe quel autre. Le style français, lui, est complètement différent. Avec cette soif de jouer les ballons, d’attaquer. Même quand ça paraît fou de le faire.

Quelle est la difficulté face à la puissance d’une équipe comme les Springboks ?

Le problème, c’est que lorsque vous défendez trop, vous laissez beaucoup d’énergie, beaucoup de jus dans les attitudes défensives et les plaquages. Contre les All Blacks, à Twickenham, ils ont réussi une performance de très haut niveau, les ont privés de ballons (35-7, le 25 août dernier). Ils ont mis une pression terrible sur la défense néo-zélandaise, qui s’est épuisée à stopper les charges sud-africaines. Cette énergie laissée en défense finira par vous faire défaut lorsque vous déciderez d’attaquer, plus tard dans le match. C’est la raison pour laquelle le jeu au pied a tellement d’importance dans le rugby, aujourd’hui. Le meilleur exemple est donné par les Irlandais. Le soin qu’ils mettent dans leurs sorties de camp au pied.

Expliquez-nous cette importance du jeu au pied…

Il permet de gagner ce que j’appelle « easy meters », des mètres de terrain faciles. On gagne plus facilement du terrain avec un bon jeu au pied qu’en multipliant les temps de jeu ballon en main. Un bon coup de pied de dégagement peut vous faire gagner 30 ou 40 mètres. Combien de temps de jeu devriez-vous enchaîner pour gagner une telle distance en jouant ? 5, 6, 7, 8 ? Imaginez l’énergie que cela demande ! Je compare souvent ces phases de jeu à un combat de boxe. Les meilleurs boxeurs ne donnent pas 100 % de puissance à tous leurs coups, mais quand ils sentent qu’ils ont une opportunité, qu’ils voient une ouverture, pam ! Ils touchent. C’est pareil dans le rugby. Nous avons perdu dans le dernier Tournoi des VI Nations contre les Irlandais, au printemps dernier à Dublin (32-19) parce que notre jeu au pied, ce jour-là a été défaillant.

Vous perdez uniquement sur ce secteur de jeu ?

Bien sûr. Nous avons gaspillé tellement d’énergie à défendre. Vous savez combien de plaquages nous avons dû effectuer ce jour-là à Dublin ? 240 ! Un record. Quatre joueurs ont terminé le match à plus de vingt plaquages (1). Et nous avons plaqué soixante-seize fois dans nos 22 m. Vous avez intérêt à être en forme pour jouer un tel match. Normalement, on peut récupérer de ses efforts par un bon jeu au pied, qui permet de souffler, et de replacer le système défensif. Mais ce jour-là, nous n’avons pas su inverser la pression irlandaise. En première mi-temps, nous n’avons fait que défendre. Défendre. Défendre. Et quand tu t’épuises dans le secteur défensif, à un certain moment ton corps ne répond plus, tu atteins tes limites. Je me souviens qu’à la fin du match, les entraîneurs ont dit aux joueurs, assez malicieusement : « Les gars, on n’a pas trop vu de jeu au pied ce soir… » Il avait été défaillant.

“Les arbitres surveillent toujours davantage les défenses…”

Il doit être difficile de bien défendre, lorsque l’arbitre scrute les attitudes défensives des joueurs, avec des règles qui évoluent tout le temps ?

Les arbitres surveillent toujours davantage les défenses, les gestes défensifs. D’où l’importance de la discipline. Et pour l’instant, nos joueurs sont disciplinés. Elle devient encore plus importante quand vous jouez dans vos vingt-deux mètres. Une faute dans cette partie du terrain offre des opportunités de marquer des points à l’équipe adverse. Un maul gagnant, une pénalité, ou un carton jaune peuvent être les conséquences de cette indiscipline. C’est pourquoi nous demandons une attention particulière aux garçons dans cette portion de terrain. Et Fabien est très pointilleux sur ce sujet.

Mais Fabien Galthié est pointilleux sur tout, tour le temps, non ?

(Sourire) Oui. Mais moi, je suis comme lui ! Il m’arrive parfois de me réveiller la nuit parce que j’ai pensé à un truc en particulier. J’ai un petit carnet et un crayon sur ma table de chevet. Je note l’idée avant de me rendormir…

Comment faites-vous pour améliorer la discipline des joueurs ?

L’apport dans le staff d’un garçon comme Jérôme Garcès (2) est très précieux. On a besoin de son analyse, de sa maîtrise des règles du jeu. C’est notre « masterstroke », celui qui te permet de comprendre et de mieux appréhender les actions. Il échange beaucoup avec Fabien et Raphaël Ibañez. Les joueurs apprécient son travail, ses interventions. Il est respecté au sein du groupe… et en dehors.

En arrivant en équipe de France, après la Coupe du monde 2019, vous avez fait de Gaël Fickou votre chef de défense, pourquoi ?

Parce que lorsque je le voyais jouer quand j’étais avec les Gallois, il m’impressionnait. J’ai eu confiance en lui. Il a 80 sélections avec le XV de France. Ce n’est pas rien. Cela veut dire que son expérience est grande. Et profitable à l’équipe. C’est un choix, une décision, que je n’ai jamais eu à regretter…

Votre avis sur l’avènement de Jonathan Danty ?

Heureusement, sa blessure à un ischio (qui l’a privé du match d’ouverture face aux All Blacks) n’est pas trop grave. C’est un joueur incroyable. Au plaquage, au grattage. Fabien lui a donné l’opportunité de revenir en équipe de France et il ne l’a pas déçu. Il a travaillé dur et su saisir l’occasion. Il est devenu un joueur puissant, qui s’impose physiquement et intimide ses adversaires. Mais il n’est pas qu’un défenseur. Lorsqu’il attaque la ligne, il est performant. Lors du dernier match amical face aux Australiens, il a dominé le milieu du terrain. Ses coéquipiers le respectent pour son investissement défensif.

Quelles sont les chances du XV de France dans cette Coupe du monde ?

Nous faisons partie des favoris. Normal. Certaines équipes ne prennent pas de risques en attaque. Le XV de France est une équipe qui prend des risques dans le jeu. Et elle a les joueurs pour ça. Et nous, le staff, sommes très heureux avec cette identité, cette approche. Continuons à améliorer notre équilibre entre attaquer, défendre et jouer au pied, et nous aborderons ce que j’appelle les « championship minutes », ces dix dernières minutes du match, souvent décisives, pour être en capacité de gagner nos matchs les plus importants… L’énergie, les ressources de ces dix dernières minutes sont celles qui aident à gagner les titres.

(1) Le chiffre de 240 est celui comptabilisé par les analystes de la FFR. Thibaud Flament fut celui qui stoppa le plus de charges irlandaises, avec 28 plaquages, devant Julien Marchand, Anthony Jelonch et Charles Ollivon. À eux quatre, ils réussirent un tiers des plaquages de l’équipe.
(2) Le 29 octobre 2019, à Tokyo, Jérôme Garcès est devenu le premier français à arbitrer une finale de Coupe du monde de rugby, Afrique du Sud-Angleterre (32-12). Depuis, il a pris sa retraite d’arbitre et a intégré le staff du XV de France avant le Tournoi 2021.

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