Après avoir tenté l’expérience dans un staff, celui qui a été l’un des meilleurs arbitres français de sa génération a pris les commandes de la cellule de haute performance mise en place par la FFR et la LNR.
Après deux ans dans le staff de Toulon, quelles ont été vos motivations pour vous tourner de nouveau vers l’arbitrage ?
La première a été de revenir vivre parmi les miens pour m’occuper de mon épouse et de mes deux filles. Ensuite, c’était une opportunité de retrouver une famille qui a beaucoup compté pour moi et dans laquelle j’ai évolué pendant 15 ans au niveau professionnel. L’image que j’avais pour de nombreuses personnes, surtout à Toulon, c’était celle d’un arbitre ; l’une des choses que j’ai le mieux faites dans ma vie pro. Donc je me suis dit que je devais peut-être revenir à l’essence même de ce qu’était Romain Poite. Il y avait un besoin à la Fédération et même si Toulon voulait prolonger mon contrat, j’ai saisi l’opportunité.
Quel constat avez-vous dressé à votre arrivée ?
Pour permettre à tout le monde d’évoluer dans les meilleures conditions, la première des choses était d’appliquer plus de rigueur dans l’arbitrage, avec une volonté de travail plus importante. De la rigueur technique en établissant surtout des observables qui faisaient référence pour le collectif, mais aussi pour l’individu afin qu’il conduise ses matchs du mieux possible […] Lors de nos rassemblements qui seront un peu plus réguliers dans le courant d’une saison, on souhaite également remettre de l’exigence par rapport à la préparation qu’elle soit physique, médicale ou technique.
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En quoi le fonctionnement à deux avec Mathieu Raynal est un atout ?
Humainement, on a beaucoup de proximité. On a aussi des approches très proches. On est souvent d’accord à 90 – 95 %, mais il y a toujours un petit ratio qui mérite du débat. Et finalement, on se complète parce qu’on est capables de faire évoluer nos décisions, de changer d’avis suite à la remarque de l’autre. Et pour conduire un groupe de 70 arbitres entre ceux de champ, de touche ou vidéo, à deux, c’est assez sport même si nous sommes six en tout (1). Car on a aussi voulu être plus proches des institutions que sont la FFR et la LNR, nous investir un peu sur le ranking européen où on a été tous les deux sélectionnés comme superviseurs en EPCR. Et puis il y a la proximité technique qu’a Mathieu avec World Rugby puisqu’il a arrêté il y a quelques semaines. Cela nous permet d’ajuster au plus près les directives et les observables pour prendre les meilleures décisions. C’était important pour moi car si j’avais conduit tout seul le bateau, j’aurais pu me mettre en difficulté.
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Pour quelles raisons ?
Parce que sur la technique, même si j’étais proche, j’avais besoin de me remettre à jour car je n’ai pas toujours les observables pour être honnête avec vous. La sensibilité terrain est quelque chose de très important et c’est ce que j’avançais énormément quand j’étais arbitre. Je savais pertinemment qu’après avoir arrêté, on a un délai de trois à six mois pour perdre le fil.
Que vous apporte le fait d’avoir partagé le quotidien d’un staff pendant deux ans ?
On peut comprendre certaines frustrations, on comprend mieux les approches de clubs et de techniciens du jeu et c’est ce qu’on a essayé de faire au stage de Loudenvielle en réunissant tout le monde pour rapprocher nos sensibilités et nos analyses. Dans un club, tu te lèves à 6 heures, tu le quittes à 19 heures. Tu connais l’exigence et la rigueur dans le travail, tout est timé, observé, remis en question. Et ça, on essaye de l’amener dans le groupe des arbitres avec le professionnalisme et le respect qu’on doit aux clubs par rapport à la pratique car il y a toujours la difficulté d’un amateur qui arbitre les professionnels.
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Justement, l’arbitrage français semble dans le creux de la vague. Quel est votre projet ?
C’est déjà d’avoir une représentativité plus importante au niveau international, c’est-à-dire emmener des arbitres jusqu’à l’échelon supérieur pour qu’ils puissent y évoluer. Comme on leur a dit, on aimerait que World Rugby se gratte la tête pour sélectionner les arbitres français. Il faut qu’on soit très performants dans nos championnats et aussi au niveau européen. La montée en compétences technique est au cœur du projet et, ensuite, c’est tout l’accompagnement.
C’est-à-dire ?
Il faut offrir des outils à tous les arbitres pour évoluer, se développer pour qu’on se retrouve le plus près possible de la vérité du terrain et qu’il y ait de moins en moins de difficultés arbitrales. Il y aura toujours des erreurs parce que l’homme n’est pas parfait et les arbitres ne le sont pas non plus mais, en tout cas, on essaie de limiter le champ des erreurs pour être dans un confort de travail. On souhaite aussi créer une relation avec notre écosystème que sont les clubs, la LNR, la FFR… Un environnement favorable au développement et aux bonnes relations pour tous progresser les uns avec les autres.
Avec quels moyens ?
La LNR et la FFR se sont rapprochées pour établir un plan de haute performance mis en place l’année dernière avec un budget significatif (1 M€ par instance, NDLR) pour développer l’arbitrage. Si cela performe en haut, cela donnera envie à d’autres de nous rejoindre. Quand la vitrine est belle, on a envie de rentrer dans le magasin donc à nous de soulever cet objectif et cette volonté-là pour faire en sorte qu’on puisse recruter encore plus d’arbitres. Ils ont aujourd’hui une indemnité mensuelle pour pouvoir se préparer dans les meilleures conditions et des obligations de jours à disposition de la FFR pour travailler, se développer et être encore plus performant le week-end.
La professionnalisation est-elle un objectif alors qu’il n’y a plus qu’un seul arbitre, Pierre Brousset, à temps plein ?
Évidemment que l’objectif est de mettre tous les acteurs dans un confort de travail et ça passe peut-être par un plein-temps sur le rugby. Mais étant donné que tout le monde vient d’horizons professionnels différents, que certains ont déjà engagé des carrières et n’auront peut-être pas la volonté de les abandonner, l’idée est de leur dégager encore plus de temps pour qu’ils puissent évoluer aussi sur la partie arbitrale […] Le travail qui est fourni est assez considérable et même s’ils ne sont pas à plein temps, il y a une réelle volonté de se nourrir et de se développer. On le voit, les arbitres n’hésitent pas à mettre le curseur très haut dans le travail pour avancer et se développer parce qu’ils savent qu’il y a un enjeu national mais il y a aussi un enjeu individuel pour eux.
Sera-t-il possible de revoir un jour cinq arbitres français être retenus pour un Mondial comme en 2019 ?
Même si c’est un vœu, il est évident que le World Rugby veut répartir sur l’échiquier mondial toutes les nationalités qui font vivre le rugby, faire monter en compétence tout le monde plutôt que d’avoir un pool très restreint sur une ou deux nations au niveau mondial. Et c’est vrai que l’âge d’or qu’on a connu en 2019, il faudra le mettre au rang des souvenirs parce que ça n’arrivera plus. Même pour les autres nations, comme l’Angleterre qui était très présente, c’est assez limité maintenant.
Vous parliez de l’invitation faite, lors du stage des arbitres à Loudenvielle, aux staffs du Top 14 et de Pro D2, à laquelle 25 (sur 30) ont répondu. Était-il nécessaire de resserrer les liens ?
C’était le constat qu’on avait fait dans la réflexion du projet et aussi le constat que j’avais fait par rapport à mes deux années en club. On a besoin de se rapprocher. On a trop souvent travaillé, on l’a beaucoup dit au stage, les uns à côté des autres. Maintenant, il faut qu’on travaille les uns avec les autres parce que quand les arbitres vont intervenir dans les clubs à la demande du club dans le cadre du plan de haute performance, évidemment qu’ils se nourrissent du jeu et ça leur permet peut-être de mieux comprendre et de prendre des meilleures décisions, de mieux lire les situations. Et après, dans les échanges qu’on a maintenant, on est en capacité de préciser nos observables et nos directives. Comme ça, les clubs peuvent les appliquer de façon plus efficace et faire en sorte de ne pas s’exposer à la décision lors d’une rencontre. C’était une nécessité vraiment de se rapprocher et d’arriver à mieux se comprendre, d’arriver à mieux se lire aussi et surtout à mieux vivre ensemble. Parce que ce qui importe, c’est que de la première à la 80e, ce soit le rugby qui ressorte vainqueur de ce temps-là et pas un arbitre ou autre.
L’arbitrage a longtemps été sanctuarisé. De quoi souffre-t-il et de quoi a-t-il besoin ?
On était renfermés sur nous-mêmes. Maintenant, on va essayer d’expliquer les choses, pas de les justifier parce qu’on ne veut pas rentrer là-dedans. C’est pour ça que quand il y a des polémiques comme sur le match de Clermont-Toulon, on préfère décharger l’arbitre de tout ce qui est émotionnel, etc., et on prend la communication en main avec Mathieu. Mais on a besoin de se rapprocher les uns des autres, de mieux se comprendre et, pour y parvenir, il faut partager beaucoup plus de choses avec les acteurs directs que sont les joueurs, les présidents, les entraîneurs, les médias, etc. Créer cet écosystème, comme je le disais, avec des conditions qui font que tout le monde trouve sa place. Quand on est latin, le rapport à la règle, à l’autorité, c’est toujours dans l’adversité. Mais si on arrive à justement s’ouvrir un peu plus, s’ouvrir aux acteurs directs et par conséquent un petit peu à tout le monde sportif ou à tout le monde qui entoure le rugby, on aura peut-être plus de facilités à échanger et puis à se faire comprendre. La communication arbitrale a tout intérêt à se développer et à occuper un peu plus l’espace médiatique plutôt que de ne rien communiquer. Parce que c’est là qu’on se retrouve dans la difficulté.
(1) Nicolas Datas, Maxime Chalon, Sébastien Clouté et Frédéric Gracianette
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