Il semblerait que l’arbitrage ait la cote en ce moment chez les dirigeants de l’UEFA. Après avoir choisi Clément Turpin pour le match d’ouverture de l’Euro entre l’Allemagne et l’Ecosse, l’instance a désigné François Letexier pour la grande finale, qui opposera dimanche l’Espagne à l’Angleterre. « C’est une magnifique nouvelle, on est tous très fiers de cette désignation », se réjouit au bout du fil Eric Borghini, le président de la commission fédérale des arbitres.
L’arbitre qui monte, qui monte
Il faut dire que cela faisait une éternité qu’on n’avait pas vu un Français à ce niveau. Trente-six ans, précisément, depuis que Michel Vautrot avait officié lors de la victoire des Pays-Bas contre l’URSS en 1988, cette finale marquée par la fameuse volée de Marco Van Basten dans un angle impossible. « Cette présence démontre l’excellente santé de l’arbitrage français, revenu au plus haut niveau grâce au travail accompli ces 10 dernières années », goûte Borghini, qui tient à citer également les noms de ceux qui l’assisteront sur le terrain et côté VAR, Cyril Mugnier, Mehdi Rahmouni, Jérôme Brisard et Willy Delajod.
« J’avais peur de mourir sans avoir de successeur. Je me sentais un peu seul tout là-haut. C’est formidable pour l’arbitrage français et pour François Letexier, parce qu’en plus, c’est un jeune », apprécie de son côté Vautrot, désormais âgé de 78 ans, dans les colonnes du Télégramme. Après l’ère Turpin, sélectionné ces dernières années pour deux Coupes du monde, trois championnats d’Europe et deux finales de Coupe d’Europe, dont celle de la Ligue des champions 2022, semble en effet s’ouvrir le cycle Letexier. Le Breton, 35 ans seulement, est l’arbitre qui monte en Europe.
« Une classe naturelle, une prestance »
Désigné pour 10 matchs de Coupe d’Europe cette saison, il vit lors de cet Euro sa première expérience dans une grande compétition internationale. Un coup d’essai transformé en coup de maître. Il faut croire que son arbitrage lors des matchs du premier tour Croatie-Albanie (2-2) et Danemark-Serbie (0-0), puis du 8e de finale entre l’Espagne et la Géorgie (4-1), a séduit le responsable en chef de Roberto Rosetti et ses collègues.
Certes, l’affiche de la finale excluait d’office les Anglais Anthony Taylor et Michael Oliver, tout comme l’Espagnol Jesus Gil Manzano, mais il restait tout de même de sacrés clients, comme le Polonais Szymon Marciniak, l’arbitre de la dernière finale de la Coupe du monde.
« Il est en train d’émerger, avec manifestement une belle cote, salue l’ancien sifflet Bruno Derrien. Ce qui m’impressionne chez lui, c’est qu’il a une classe naturelle, une prestance. Il en impose par son physique. Il est propre sur lui, a un côté gendre idéal, souriant. Il a le ton juste, et surtout je crois qu’il n’est pas dans l’arrogance. Il arrive bien à dépassionner les débats, par le sourire, par ses gestes. Sa communication est maîtrisée. »
Sérénité et plaisir
Des atouts également mis en avant par Eric Broghini, qui au-delà des « qualités techniques et physiques » indispensables pour faire partie du gratin, souligne le « côté humain » de François Letexier. « Il est humble. Vous ne l’entendez pas parler, il est discret, il a cette intelligence contextuelle pendant les matchs, cette intelligence de gestion d’un match et de ses acteurs. Il sait y faire avec les joueurs et les staffs », énumère le dirigeant fédéral, qui nous livre cette petite anecdote personnelle pour appuyer son propos :
« « Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et il m’a envoyé un petit message. J’ai été surpris, parce qu’avec la préparation de cette finale, il a autre chose à faire. Mais il a quand même eu ce geste et cette délicatesse le définit bien. Il a beaucoup d’élégance, et c’est aussi important aussi quand on doit choisir un arbitre. » »
Voilà pour les louanges de circonstances. Mais l’important, nos deux intervenants en conviennent, est qu’on n’ait pas à parler de lui après la finale dimanche soir. Cela voudra dire que tout s’est bien passé et que le vainqueur ne souffre d’aucune contestation. « C’est son seul objectif », rappelle Bruno Derrien, avec tout de même en filigrane la notion d’amusement. « Pour être à la hauteur, il faut aussi prendre du plaisir à être sur le terrain, dégager une forme de sérénité », ajoute-t-il. Car une finale d’Euro, comme pour les joueurs, « c’est un moment qui reste dans la vie d’arbitre ».
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