Laure Bourdon-Sansus, ex-capitaine des Bleues : « Avoir pris 40 points va faire du bien aux Françaises »

En 2022, elle avait créé la sensation en mettant un terme à sa carrière à seulement 28 ans, alors qu’elle comptait parmi les meilleures joueuses du monde. L’ancienne demi-de-mêlée de l’équipe de France féminine et actuelle coach du Stade toulousain Laure Bourdon-Sansus (31 ans, 32 sélections) a accepté de répondre sans concession aux questions d’Actu Rugby. Elle y parle sans détour des chances des Bleues durant cette Coupe du monde, de l’essor du rugby féminin, de sa vie de jeune maman ou encore la sanction de son épouse, la Tricolore Pauline Bourdon-Sansus, suspendue par la FFR pour le premier match du Mondial contre l’Italie samedi (21h15).

ACTU : Fin juillet, vous avez mis au monde un petit garçon, Arthur. Allez-vous vous déplacer en Angleterre pour voir l’équipe de France et votre épouse pendant la Coupe du monde ?

Laure Bourdon-Sansus : Je vais certainement y aller si elles se qualifient pour la finale. Mais mon fils sera trop petit et il ne viendra pas avec moi.

Vous aviez arrêté votre carrière à l’issue de la dernière Coupe du monde, en 2022 en Nouvelle-Zélande. Avez-vous un pincement au coeur alors que la nouvelle débute ?

L.B.S. : Non, ça va. Je suis assez occupée pour ne pas avoir le temps d’y penser (rires). J’aurais aimé pouvoir y aller pour Pauline, mais je ne le fais pas pour de bonnes raisons.

N’est-ce pas difficile de gérer seule un nouveau-né avec sa compagne partie à la Coupe du Monde ?

L.B.S. : On savait que ça se passerait comme ça. Nous avons la chance d’être entourées et d’avoir du monde qui m’aide autour. Pauline fait des allers-retours, donc elle en profite aussi un peu. Nous avions prévu que ça allait être sportif les deux premiers mois et ça l’est. On vit seulement ce qu’on avait prévu.

Va-t-elle rentrer souvent durant la compétition ?

L.B.S. : Elle vient ce week-end car elle est suspendue et ne peut pas jouer le premier match, mais après cela, elle rentrera tous les quinze jours à peu près, sur les jours off. La Fédération a été à l’écoute et lui permet de rentrer de temps en temps pour éviter de passer un mois sans nous voir.

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Venons-en à la compétition. Est-ce que c’est vraiment l’Angleterre contre le reste du monde selon vous ?

L.B.S. : L’Angleterre me paraît ultra favorite en effet. Après, il faut voir comment elles se comporteront lors des matchs couperets. Si elles arrivent en finale, auront-elles les épaules assez larges pour supporter de jouer dans un stade Twickenham plein à craquer ? C’est le seul doute que je peux avoir, même si je pense qu’elles sont prêtes car elles se préparent à ça depuis trois ans, voire même sept ans. Je n’ai pas trop d’inquiétudes pour elles, à vrai dire… 

Quel est le statut des Françaises pour vous ?

L.B.S. : Elles sont clairement outsiders. D’autant qu’au vu de leurs dernières prestations, les petites nations de leur poule, le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Italie, vont avoir la possibilité de se dire que c’est possible de gagner contre les Bleues. C’est dommage parce que ces petites nations  vont vraiment jouer leurs matchs contre la France avec l’optique de le gagner. Normalement, face à un favori, on lâche parfois pour se concentrer sur les autres rencontres mais ce ne sera pas le cas vu les derniers résultats tricolores.

Laure Bourdon-Sansus compte 66 sélections à la mêlée des Bleues.
Laure Bourdon-Sansus compte 32 sélections à la mêlée des Bleues. (©Icon Sport)

On dit que le rugby féminin français stagne depuis quelques temps. Est-ce que vous êtes d’accord ?

L.B.S. : Complètement. La Fédération ne met pas les moyens pour développer le championnat. Aujourd’hui, on a une trentaine de filles qui sont sous contrat et le reste du monde patauge un peu. Ces 30 filles surnagent dans le championnat et elles ne progressent pas quand elles rentrent en club. Tant que la Fédé ne fait pas ce qu’il faut, je vois mal comment on peut évoluer. Je pense que c’est la grosse différence, notamment avec l’Angleterre, qui possède en revanche un championnat ultra compétitif.

Que faudrait-il pour que la France franchisse un cap ?

L.B.S. : Peut-être réduire encore le nombre de clubs dans l’Elite et passer sur un Top 8. Mettre les moyens dans les clubs pour que ça bosse bien, pour que chaque club ait un panel d’une quarantaine de joueuses qui ont la possibilité de s’entraîner comme des pros ou semi-pros. Alors, tout le monde serait tiré vers le haut et ça ferait monter le niveau de chacune. Au Stade toulousain, nous avons la chance d’avoir des statuts de semi-pros, avec des entraînements en journée et des filles qui ont des contrats. Mais on est le seul club en France dans ce cas-là.

Le niveau des joueuses est-il très disparate dans votre groupe du coup ?

L.B.S. : Il y a des écarts de niveau. Sur 40 joueuses, il y a grosso modo 10 filles sur le haut du panier et après, c’est un ventre mou.

Comment gère-t-on ces écarts quand on est coach ?

L.B.S. : C’est facile pour gérer les filles qui ne sont pas internationales, notamment, parce qu’elles ont l’ambition de l’être et qu’elles sont ultra motivées pour progresser. Par contre, là où c’est dur, c’est pour des internationales qui ont un niveau au-dessus et qui connaissent ce niveau au-dessus. Elles, il faut toujours avoir la capacité de les maintenir animées, intéressées. Quand on met 60 points aux équipes en face, on peut vite se lasser et avoir moins envie de travailler et de progresser. Notre rôle est de les éveiller, les alerter, trouver des challenges pour qu’elles progressent toujours plus. Mais forcément, tout cela rejaillit sur le niveau de l’équipe de France.

« Pour moi, il y a un écart entre le jeu prôné, qui est un jeu d’affrontement, et les profils de joueuses. L’équipe de France possède des filles dynamiques, capables de jouer dans l’évitement, de jouer debout. Quand on regarde les matchs, on a la sensation qu’on demande à ces joueuses qui ont la capacité de jouer l’évitement, de ne faire que de l’affrontement. »

Laure Bourdon-Sansus Ancienne capitaine des Bleues

Quels sont les points de faiblesse de cette équipe actuellement, selon vous ?

L.B.S. : Pour moi, il y a un écart entre le jeu prôné, qui est un jeu d’affrontement, et les profils de joueuses. L’équipe de France possède des filles dynamiques, capables de jouer dans l’évitement, de jouer debout. Et je ne sais pas ce qui est demandé dans le projet de jeu, mais quand on regarde les matchs, on a la sensation qu’on demande à ces joueuses qui ont la capacité de jouer l’évitement, de ne faire que de l’affrontement. Sauf que quand vous tombez, notamment, contre des Anglaises qui sont ultra supérieures sur la puissance, ça ne fonctionne pas.

Et quels sont leurs principaux atouts ?

L.B.S. : Elles possèdent de très bonnes individualités, et notamment des joueuses d’instinct. Elles ont des filles, notamment aux ailes ou Pauline (Bourdon-Sansus) ou encore les sœurs Feleu devant, qui sont des joueuses de ballon et qui ont la capacité d’avoir des éclairs de génie.  Je pense aussi à Assia (Khalfaoui), qui est une pilier et qui est peut-être la plus apte à manier le ballon. Ces joueuses sont capables de faire des trucs géniaux mais il faut qu’elles évoluent dans un cadre qui leur permette de jouer. Là, j’ai l’impression qu’on leur demande de faire du frontal. Du coup, on se casse les dents.

Face à des équipes super costauds comme l’Angleterre ou la Nouvelle-Zélande notamment.

L.B.S. : Je n’ai pas analysé tout le jeu des Blacks ou des Anglaises. Je suis comme tout le monde, je regarde les matchs à la télé. Mais aujourd’hui, sur de la puissance pure, la France est clairement dominée.

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Lors du dernier Tournoi des 6 Nations, les Bleues avaient été dominées lors de leur victoire en Italie (21-34). Les Italiennes sont leurs premières adversaires ce samedi. Comment entre-t-on entre dans une compétition comme la Coupe du monde, avec un statut d’outsider, mais en étant hyper favorite dans sa poule ?

L.B.S. : Démarrer une coupe du Coupe du Monde est toujours difficile à gérer. Ça fait longtemps qu’on la prépare, il y a la pression… Quand on voit la poule, les Françaises ont forcément l’ambition de sortir en quart de finale. Mais c’est typiquement le match piège par excellence. Les Italiennes ont un jeu qui ressemble à ce que faisait la France. Elles jouent sur leur qualité de vitesse, d’appui. C’est un peu décousu mais elles comptent des filles de talent. Je pense qu’avoir pris 40 points contre l’Angleterre il y a quelques jours (défaite 6-40 en match de préparation à Mont-de-Marsan le 9 août, N.D.L.R.) va faire du bien aux Françaises. Il n’y a pas mieux pour avoir les pieds bien ancrés sur terre.

Cette coupe du monde est déjà celle de tous les records en terme d’engouement. 375 000 billets sur les 470 000 ont été vendus, Twickenham est déjà plein pour la finale avec les 82 000 places qui ont trouvé preneur. Est-ce un tournant pour le rugby féminin ?

L.B.S. : Oui. Je me rappelle qu’il y avait eu près de 60 000 personnes à l’Eden Park lors de la finale de la dernière Coupe du monde, en 2022. C’était déjà énorme et c’est encore en train de monter. Mais il faut tirer notre chapeau aux Anglais. Ça fait 3 ans qu’ils vendent des places puisqu’ils ont commencé à le faire dès la veille de la finale en Nouvelle-Zélande. Ils ont fait ce qu’il fallait pour que ça devienne un événement majeur pour le rugby féminin. Encore une fois, c’est en relation avec ce qu’ils font dans leur championnat aussi. Ils ont un gros championnat, qu’ils développent énormément et ils ont fait la même chose avec la Coupe du monde. Ça va être exceptionnel de vivre ça pour les joueuses. 82 000 personnes à une finale, c’est génial !

Pour y aller, la France devrait probablement battre l’Angleterre en demi-finale. Mission impossible ?

L.S.B. : Ne pas affronter l’Angleterre en finale à Twickenham est peut-être la meilleure chose qui pourrait leur arriver. Les demi-finales auront lieu dans un stade plus petit, à Bristol. Il y aura un peu moins d’engouement, peut-être que ça peut aider.

Vous nous disiez que votre épouse Pauline rentrera en France ce week-end car elle a été suspendue 2 matchs par la FFR pour avoir critiqué l’arbitrage après la finale d’Elite 1 perdue contre le Stade bordelais. Comment le vit-elle ?

L.B.S. : Elle se dit que c’est un mal pour un bien parce qu’elle passera du temps avec nous. Elle est ultra compétitrice donc elle se sent frustrée mais disons que ça tombe plutôt bien finalement. Elle a une bonne raison de rentrer et va pouvoir en profiter. Du coup, elle le vit un peu mieux.

« Je ne crois pas que la France se serait privée d’Antoine Dupont lors premier match de la Coupe du Monde. »

Laure Bourdon-Sansus Ancienne capitaine des Bleues

C’est la joueuse la plus expérimentée du groupe avec 66 sélections. Vous trouvez ça dommage ?

L.B.S. : Je ne sais pas. J’ai vu que c’était sorti dans la presse récemment et j’ai lu des déclarations disant que si ça avait été Antoine Dupont, ça aurait été pareil. Je ne crois pas que la France se serait privée d’Antoine Dupont lors premier match de la Coupe du Monde. Après, elle a pris une sanction, elle est méritée et elle l’accepte. Mais de là à dire que les choses se seraient passées de la même manière si avait été chez les garçons, je ne suis vraiment pas sûre…

Comment avez-vous abordé le sujet avec elle ? Plutôt en tant que coach ou  compagne ?

L.B.S. : On en a parlé en tant que coach, parce que mon rôle de compagne n’avait pas grand-chose à faire là. Ce qui est malheureux aujourd’hui, c’est que quand on en parle, tout le monde est plutôt d’accord en disant qu’il faut s’améliorer sur l’arbitrage. C’est le même son de cloche du côté des entraîneurs, des instances, de la Fédé… Pauline a eu le malheur de le dire. Peut-être pas de la bonne façon, peut-être pas au bon moment, mais en attendant, c’est elle qui reçoit la sanction.

La demi de mêlée de Toulouse et de l'équipe de France féminine Pauline Bourdon-Sansus n'avait pas caché son désaccord avec l'arbitrage à l'issue de la finale d'Elite 1 contre Bordeaux.
La demi de mêlée de Toulouse et de l’équipe de France féminine Pauline Bourdon-Sansus n’avait pas caché son désaccord avec l’arbitrage à l’issue de la défaite en finale d’Elite 1 contre Bordeaux. (©Icon Sport)

Pourquoi l’arbitrage est-il un problème dans le rugby féminin français ?

L.B.S. : Ce n’est pas nouveau. Il ne s’agit pas juste de la finale, c’est récurrent. Nous demandons à ce que les arbitres de championnat soient beaucoup plus accompagnés. On propulse une jeune arbitre qui n’a pas beaucoup d’expérience et qui se retrouve à officier sur une finale de championnat, filmée. On la met dans un stade avec des grands écrans, mais on ne lui permet pas d’avoir la vidéo… Ce n’est pas contre les arbitres en eux-mêmes que nous râlons, c’est sur les moyens qu’on leur donne.

A titre personnel, quand allez-vous reprendre vos fonctions à la tête d’entraîneur du Stade toulousain ?

L.B.S. : Je finis mon congé maternité fin septembre et du coup, je vais reprendre pour le premier match championnat (le week-end du 11 octobre contre Lyon, N.D.L.R.) Même si je ne suis pas très loin de ce qui se fait, je coupe comme il faut pour en profiter.

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