Mi-juillet, Evan Urruzmendi attendait le stage des arbitres professionnels, programmé à Loudenvielle du 4 au 8 août, avec impatience. Depuis, il a arbitré le derby amical, le 24 août, entre Biarritz et Bayonne. Deux clubs qui évoluent respectivement en Pro D2 et Top 14. Deux championnats au sein desquels le Luzien va officier cette saison. Parce que oui, entre-temps, le Basque a reçu un coup de fil du manager en guise de promotion. Le 14 septembre, il sera au sifflet de son premier match de Top 14 à Mayol (Toulon – Castres), rejoignant ainsi ses deux homologues des Pyrénées-Atlantiques Thomas Charabas et Hervé Lasausa. « Les locomotives du secteur », glisse Evan Urruzmendi, qui suit une progression fulgurante depuis ses premiers pas en Fédérale 3, au mitan des années 2010.
Dernière minute
En plus de sa carrière à XV, Evan Urruzmendi va également arbitrer à sept. Il a été sélectionné pour siffler lors du World Series (la première division mondiale). Sur les huit arbitres retenus, il sera l’unique représentant français.
Quels enseignements pourriez-vous tirer de vos deux premiers exercices en Pro D2 ?
La première saison, tu découvres le niveau, les équipes. Les joueurs commencent à te connaître. C’est peut-être la plus simple parce que tu es dans une phase assez dynamique. La deuxième (15 matchs au centre), il faut essayer de confirmer les performances. Je me suis donné les moyens de faire beaucoup de touches en étant assistant en Top 14. J’en ai également assuré cinq en Coupe d’Europe, dont le huitième de finale en Champions Cup à Exeter. Ça a été une saison pleine, assez riche en termes d’expérience.
Vous avez également connu votre toute première rencontre internationale lors du Tournoi des Six Nations U20 (Italie – Angleterre)…
C’est particulier parce que les enjeux sont importants pour ces équipes en développement. Pour les arbitres, c’est une période de transition entre le haut et le très haut niveau. C’est quand même un moment marquant. Tu retraces tout le parcours effectué, tout le travail abattu pour en arriver là.
Désormais, parvenez-vous à vivre de l’arbitrage ?
Oui, à l’instar de 32 collègues. D’autres ont conservé leur travail : soit à mi-temps, soit à 25 %. La FFR et la LNR nous ont donné les moyens. Des accords financiers ont été signés afin de nous proposer des contrats de prestations. En tant qu’auto-entrepreneur, je facture mes prestations de matchs et de préparation à la FFR. Les primes avaient été aussi réévaluées. Arrivé en Pro D2, on peut donc en vivre. J’ai fait ce choix à 100 % afin de me concentrer sur mes performances, mon physique et ma récupération. À ce niveau, il y a d’énormes enjeux avec les clubs. Il faut être prêt.
Quels sont les axes de progression pour un arbitre ?
Il y a la technique avec l’analyse des vidéos et en regardant les matchs des copains. On essaye de se mettre à leur place, en se demandant qu’est-ce qu’on aurait fait. Il y a l’analyse du jeu, aussi. C’est à nous de regarder comment les équipes vont jouer telle ou telle situation pour qu’on puisse savoir comment se placer ou anticiper le plus possible. Enfin, il y a l’aspect physique. Entre les courses longues et fractionnées ainsi que le renfort musculaire, c’est du travail quasi quotidien. Comme il ne faut pas négliger la récupération, je passe régulièrement au stand, chez le kiné, afin de soigner les petits bobos et faire de la prévention. Pendant un match (7 km parcourus au centre, 5 à 6 km sur la touche, NDLR), on a un peu la même course et les mêmes trajectoires qu’un numéro 9 avec beaucoup de fractionnés, d’accélérations et de ralentissements.
Comment faites-vous pour vous adapter aux règles qui changent régulièrement ?
Quand j’ai commencé l’arbitrage, j’avais le bouquin avec toutes les règles sur la table de chevet. Avec les examens écrits, je n’ai pas eu le choix que de le bûcher. La mise en application, c’est directement sur le terrain. Entre ou pendant les saisons, il arrive qu’il y ait des changements de règles ou des directives. Il suffit de les assimiler et de les mettre en application très rapidement. Comme on est un sport très complexe, il y a quand même des changements et des appréciations différentes, il faut donc se mettre à jour assez régulièrement.
Quels sont vos rapports avec les joueurs d’expérience ? Le respect demeure ou cherchent-ils à vous impressionner ?
Honnêtement, il y a du respect. Bien sûr que parfois, on sent que les joueurs nous testent un peu, mais c’est normal, il faut apprendre à se connaître. Le rugby est tellement complexe qu’il y a beaucoup de phases où c’est de l’interprétation. Il se peut que les joueurs aient un avis différent mais du moment où les échanges sont constructifs et qu’on parle vraiment technique, que ce soit avec le capitaine ou un autre, tout va bien. C’est important d’avoir un lien relationnel, de sentir que les joueurs nous font confiance et réciproquement. En revanche, s’il y a de la contestation, c’est plus compliqué de mon côté. Ça n’a rien à faire sur un terrain.
Dans les matchs un peu chauds, dans un stade assez bouillant, comment faites-vous pour supporter la pression sur certaines décisions ?
En avant-match, on met en place des routines sur le déplacement, l’après-midi à l’hôtel, l’échauffement, la préparation avec les assistants et l’arbitre vidéo, que ce soit le plus serein possible et le plus performant possible. Après, dès que j’ai sifflé le coup d’envoi, je suis dans ma bulle. Même si le stade est plein et que ça fait du bruit, souvent, tu ne l’entends même pas. Tu es vraiment en relation avec les joueurs, ton arbitrage et cette concentration. Du moment où tu siffles, cette pression disparaît. Elle revient parfois en fin de match. Si le score est serré, tu sens vraiment une tension. Là, il faut vraiment se remettre dedans.
Au soutien du Stade Hendayais
En plus de sa casquette de formateur technique départemental, Evan Urruzmendi prodigue des conseils aux arbitres, staffs et joueurs du Stade Hendayais, où il est licencié depuis six ans. « Je viens notamment arbitrer l’équipe première lors d’oppositions à l’entraînement. Ce qui m’intéresse beaucoup, c’est de regarder leurs matchs et de déceler les fautes qui sont évitables pour les faire grandir dans l’apprentissage des règles. » Avec l’ancien coprésident Jérôme Darrieussecq, les deux hommes ont également monté une école d’arbitrage. « On se réunit tous les mois pour parler d’une règle ou d’un cas vidéo. Cela peut susciter des vocations chez certains joueurs. »
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