Avant La Rochelle-Leinster, Actu Rugby a rencontré Hugo Reus. Le jeune ouvreur espérait une chose : disputer son premier match de Champions Cup, lui qui avait été sur la feuille l’an passé contre Gloucester mais n’était pas entré en jeu. C’est chose faite. Mais cette première a été ponctuée par une défaite amère à domicile pour La Rochelle (9-16).

Sa pénalité contre Bayonne, son titre de champion du monde U20, son temps de jeu, Fabien Galthié qui le suit… Posé, Hugo Reus a balayé toute l’actualité. Et quelque chose nous dit que le garçon de 19 ans a tout pour aller loin, très loin.

Sa pénalité contre Bayonne

Actu : Hugo, le 11 novembre dernier, vous claquez la pénalité de la gagne contre Bayonne à la 78e minute. Sans avoir touché le moindre ballon. Qu’avez-vous ressenti ?

Hugo Reus : Dix minutes avant mon entrée en jeu, Ronan O’Gara m’a demandé comment j’allais. Je lui ai dit que je me sentais vraiment très bien. J’ai même insisté. Au moment où il me fait entrer à 3-4 minutes de la fin, il me dit : « pense au drop ». Mais j’avais une intuition. Je pensais plus que cela allait se jouer sur une pénalité longue distante plutôt qu’un drop. Avant même la mêlée où l’on gagne une pénalité, j’avais arraché de l’herbe pour voir comment se comportait le vent. Et l’arbitre siffle cette pénalité. Je savais que j’avais la distance. J’étais confiant sur mon tir au but. Je ne me suis posé aucune question…

C’est vous qui avez dit à votre capitaine que vous la sentiez ?

H.R : Oui, c’est moi ! Je le sentais. J’avais une intuition, elle s’est révélée juste. Et quand elle est passée, j’ai vécu un rêve de gosse, celui de faire gagner son équipe sur une telle pénalité. C’est le scénario que jeune tu te fais dans ton lit, ou seul dans ton jardin. C’était incroyable. Cette émotion, je m’en souviendrai toute ma vie.

Aucun de vos coéquipiers n’a donc douté au moment où vous, vous assumez vos responsabilités, à seulement 19 ans ?

H.R : Quand j’ai indiqué les poteaux, Uini Atonio me dit non, que c’est trop loin. C’était drôle, car je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit : « non, t’inquiète pas, c’est bon, ça ira ». Je n’ai pas hésité au final. Et après le match, je lui ai dit merci en lui disant qu’il m’avait mis en confiance. C’était bon enfant. Dans les vestiaires, toute l’équipe m’a félicité, c’était vraiment très sympa de leur part. C’est un peu grâce à la confiance que m’accorde ce groupe que je l’ai mise.

Son début de saison

Quel regard portez-vous sur votre début de saison ? 19 ans et déjà 6 feuilles de match, ce n’est pas anodin à un poste de n°10 aussi stratégique…

H.R : Mitigé ! J’ai fait de bonnes entrées contre Bayonne et Bordeaux, mais contre Castres et Oyonnax je n’ai pas été terrible. J’apprends de chaque match, que ce soit le positif ou le négatif. Pour ne pas refaire les mêmes erreurs plus tard. Je parle beaucoup avec Rémi Talès et Sébastien Boboul. Mais toutes les infos que j’ai du staff m’aident beaucoup sur la stratégie tactique et le jeu au pied. Je suis très bien entouré dans ce club, et ça m’aide beaucoup.

Sentez-vous une réelle progression dans votre jeu depuis que vous avez débuté en pro voici un peu moins d’un an (premier match contre l’UBB en mars 2023) ?

H.R : Complètement ! Je suis entouré, totalement épanoui dans ce club, et c’est ça qui me permet de progresser sur tous les aspects. Que cela soit tactique, technique ou juste purement rugbystique.

La Coupe du monde U20

Cet été, il y a eu le titre de champion du monde U20. Comment l’avez-vous vécu ?

H.R : C’était incroyable ! L’objectif, il était fixé depuis un moment, car le Mondial chez les U20 a été annulé 3 fois. Lors de tous les stages, on ne parlait que de ça, d’être champions du monde. Cela nous a mis de la pression, mais lors de la finale, nous étions tous préparés à ça. Nous avions une équipe assez exceptionnelle.

Cette équipe semble en effet très forte. Mais la pensiez-vous capable de coller 50 points à l’Angleterre en demie et 50 points à l’Irlande en finale ?

H.R : Franchement, non ! Mais on avait une confiance, une sérénité, et même de la maturité dans notre jeu et tout ce que l’on entreprenait. Quand on est menés 0-17 après 10 minutes contre l’Angleterre, personne n’a paniqué. J’ai vu des mecs sereins, on ne s’est pas engueulés, on avait confiance en notre plan de jeu. On a poursuivi, et l’Angleterre a craqué. Cette maturité, je pense qu’elle passe par le nombre de feuilles de match que nous avions, dont pour certains en Top 14.

D’avoir évolué déjà en Top 14 ou Pro D2 à 19 ou 20 ans, c’est la principale explication à ce titre de champion du monde ?

H.R : Mais, c’est complètement lié ! Des jeunes qui ont l’occasion de toucher le plus haut niveau ne peuvent qu’apporter toute leur expérience au sein d’une équipe nationale U20. C’est ultra-enrichissant, et les résultats le démontrent.

Pensez-vous que les clubs ont changé leur regard sur l’utilité des jeunes joueurs, alors qu’avant ils misaient plus facilement sur un second couteau venu de l’étranger ?

H.R : C’est sûr. En étant môme, je voyais que les jeunes avaient du mal à s’exprimer à une certaine époque. Les entraîneurs ne leur faisaient pas confiance. Je pense que le double titre de champion du monde U20 a fait changer les mentalités, on a compris que les jeunes pouvaient être performants. Je crois aussi que les quotas Jiff sont une bonne chose et contribuent à cela. Les clubs sont obligés d’investir dans la formation, et de parier dessus.

À 19 ans, on a encore plein de choses à apprendre. Quels sont vos principaux axes de progression ?

H.R : La lecture et la vision du jeu. Ce sont des forces chez moi, mais il y a encore du progrès à faire à ce niveau. Lorsque l’équipe est en difficulté, il faut que je parvienne à la remettre dans l’avancée en trouvant les points faibles de l’adversaire.

Le XV de France

Hugo, votre nom est sorti dans la presse comme quoi Fabien Galthié vous suivrait pour le Tournoi des 6 Nations 2024. Comment l’avez-vous accueilli ?

H.R : C’est très flatteur et très sympa d’entendre son nom être prononcé par le sélectionneur. Depuis tout petit, c’est un rêve d’être un jour en équipe de France. Après, qu’il regarde des joueurs de France U20, c’est plutôt logique. Nous l’avions eu en visio la semaine avant notre demi-finale de Coupe du monde contre l’Angleterre. Je pense donc qu’il nous a suivis lors de la phase finale. C’est flatteur, mais je dois me concentrer sur mon club avant tout. Je dois être performant, et si c’est le cas, on verra bien la suite.

Ne trouvez-vous pas cela un peu trop précoce, vous qui n’avez qu’une dizaine de matchs en pro avec La Rochelle ?

H.R : L’âge, ce n’est pas quelque chose qu’il faut regarder. Que tu aies 19, 20 ou 30 ans, ce sont les performances sur le terrain avant tout qui comptent. Après, le reste, ce n’est que de la littérature.

Vous êtes né en 2004, ce qui vous laisse la possibilité de jouer le Tournoi des 6 Nations 2024 avec les U20. Ce serait votre préférence ?

H.R : La priorité, c’est avant tout le Top 14 et mon club. Après, le Tournoi des 6 Nations U20 est en même temps que celui des grands. On verra, on verra (rires).

Pour un jeune rugbyman français, qu’est-ce qui reste le Graal : le Brennus ou la Coupe d’Europe ?

H.R : Le Graal, ça reste le Brennus. Du moins, pour moi. L’Europe, c’est une compétition quand même peu commune, et exceptionnelle, avec peu de matchs dans la saison. Le jeu est différent, les équipes sont différentes, et tu touches le niveau international, même si ce n’est pas avec une sélection. L’Europe, tu as quand même envie de la jouer…

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