Rugby. Tual Trainini : « L’arbitrage doit continuer de s’ouvrir, et accepter la critique »

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Paris, 20 novembre, sur l’une des terrasses du siège de la LNR : Tual Trainini se prête volontiers à un échange auprès d’Actu Rugby. Ayant dirigé les deux dernières finales du Top 14, il fait figure de référence française en matière d’arbitrage.

Justement, il a été beaucoup question des arbitres lors de la Coupe du monde de rugby 2023. L’homme de 38 ans s’est penché sur le sujet, la cible qu’ils représentent, sur la défiance des supporters, mais aussi l’évolution de l’attitude des joueurs. Passionnant.

Actu : Tual, comment avez-vous accueilli toutes les polémiques et critiques qui ont surgi lors de la précédente Coupe du monde ?

Tual Trainini : Ce que je trouve dommage, c’est que nous ayons eu le privilège d’avoir une Coupe du monde en France, avec un mélange des populations dans une période plus que compliquée dans le contexte géopolitique international, et que nous ayons tant parlé d’arbitrage. Et pas du jeu. Nous avons eu pourtant un Mondial avec des nations qui ont montré des choses fabuleuses en termes de jeu, mais aussi d’état d’esprit, d’émotion… Je pense bien évidemment au Portugal, mais le Chili ou bien l’Uruguay ont aussi constitué un vent de fraîcheur dans ce microcosme. Cela me peine que la seule chose, ou presque, qu’on retienne de ce Mondial 2023, ce soit l’arbitrage.

Les polémiques sur l’arbitrage

L’arbitrage est pointé du doigt quand l’équipe perdante. Mais le « c’est la faute de l’arbitrage », n’est-ce pas finalement l’excuse facile, celle des faibles ?

T.T : C’est dommage de toujours vouloir trouver un coupable. Et le coupable un peu facile, c’est l’arbitre. J’estime que les torts sont partagés. Nous, arbitres, nous pourrions nous retrouver plus accessibles auprès d’une population qui ne connaît pas forcément notre sport et qui ne connaît pas forcément tous les codes et la complexité de l’arbitrage. Il est important de faire comprendre qu’il y a la règle, mais aussi l’interprétation que l’arbitre en fait. De manière que ce que l’arbitre décide sur le terrain soit plus lisible.

Ressentez-vous être cette cible facile de la part du public français dans les stades du Top 14 le week-end ?

T.T : Je n’ai pas l’impression d’une incidence négative sur l’arbitrage en France issue de la Coupe du monde 2023. Après, il y a eu peu de matchs depuis. Je trouve que depuis des années, il y a une vraie évolution concernant les arbitres. J’omets les réseaux sociaux, qui sont un microcosme peu constructif ou bienveillant. Autour des stades, il y a des choses fabuleuses à notre égard et les arbitres doivent profiter de cela. Je pense à mon petit Ethan, supporter palois, qui m’envoie des dessins ou des photos sur Instagram. Il est à fond derrière moi et l’arbitrage. C’est à ça qu’il faut qu’on se raccroche. On doit aussi continuer à s’ouvrir, et accepter la critique.

L’image renvoyée par les arbitres

Quand les arbitres sont évoqués, c’est souvent de manière négative. Alors qu’on sait que sans arbitre, il n’y a pas de match. Comment faire pour changer cette image et que vous soyez davantage mentionnés de manière positive ?

T.T : Aujourd’hui, il y a une vulgarisation qui est faite au niveau du jeu. Les réseaux sociaux sont néfastes, mais il y a quelques comptes qui évoquent de bonne manière l’arbitrage, le vulgarisent, et c’est très positif. Cette vulgarisation permet une meilleure compréhension, et donc une meilleure acceptation.

Tual Trainini s'est montré très clair dans ses explications concernant sa gestion du KO de Quentin Lespiaucq et le fait de donner une mêlée à Toulouse.
L’arbitre Tual Trainini lors de la dernière finale de Top 14 entre Toulouse et La Rochelle. (©Icon Sport)

Le rugby est-il donc trop difficile à arbitrer, et à faire comprendre ?

T.T : Oui, il est compliqué à arbitrer. Et forcément à faire comprendre. C’est même évident.

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Surtout si on compare au football, facile à comprendre, même pour des non-initiés…

T.T : C’est là où c’est intéressant de voir que si le football est facile à comprendre, il est aussi sujet à polémique. Et niveau moyens, ils sont largement supérieurs au rugby. Quand nous ne sommes pas en prime time, il y a 6 caméras pour un match de Top 14. Nous sommes entre 8 et 10 pour un match de Ligue 1 similaire. L’approche est donc plus avancée que la nôtre. Je dirais qu’il faut qu’on arrive à vulgariser notre sport, et notamment sur le plan arbitral, afin qu’on bénéficie de l’embellie qu’il y a eue autour du XV de France et de la Coupe du monde. Oui le rugby est complexe, mais je crois aussi que c’est ça qui en fait sa beauté et sa singularité.

La défiance des supporters… et des joueurs

Ne pensez-vous pas que cette défiance envers les arbitres de rugby, elle est aussi nourrie par une évolution de mentalité des joueurs, qui n’hésitent plus à vous critiquer ou vous mettre la pression depuis le terrain. Et vu que vous portez des micros, les téléspectateurs entendent tout cela…

T.T : C’est une évolution liée à notre temps. Je pense que les joueurs se permettent d’être plus questionnant, car ils ont accès aux ralentis sur les écrans géants et ils ont le temps d’analyser. Enlevez-leur les écrans géants, je pense qu’ils agiront différemment, car ils seront pris par le feu de l’action. Après, je n’ai aucune certitude sur le lien entre l’attitude des joueurs, et les critiques des téléspectateurs. Une chose est sûre, c’est que je trouve toujours intéressant d’avoir des échanges avec les joueurs du moment où cela reste factuel et constructif. Je me plais toujours à dire aux joueurs avant un match : on ne sera sans aucun doute pas d’accord pendant la rencontre, c’est une certitude, par contre amenez-moi des faits. Et je pourrai réajuster éventuellement mon analyse de la situation.

Seriez-vous favorable à ce que des sanctions plus dures, comme le carton jaune, soient sortis contre les joueurs trop véhéments sur le terrain à l’encontre des arbitres ?

T.T : C’est une réflexion que j’avais amenée lorsque j’avais participé aux travaux de la LNR sur les valeurs qu’elle voulait défendre lors de son plan stratégique. Je mettais en avant une chose : ne serait-ce pas aux coéquipiers, ou bien au capitaine, d’avoir un impact fort sur le joueur véhément afin de le recadrer ?

Tual Trainini arbitrera sa deuxième finale de Top 14 consécutive, après Castres-Montpellier en 2022.
Tual Trainini, arbitre semi-professionnel, avoue ne pas savoir si World Rugby va le conserver dans son panel des arbitres internationaux. (©Icon Sport)

On entend. Mais quand ces critiques viennent du capitaine lui-même ?

T.T : Un capitaine, il a aussi d’autres leaders à ses côtés sur un terrain pour lui dire qu’il dépasse les bornes. Et un staff pour lui dire que ça suffit, qu’il doit arrêter. Toujours nous positionner dans le rôle de la personne qui sanctionne n’est pas forcément vertueux. C’est à l’écosystème entier de se rendre compte de cette mentalité, et de voir ensemble comment on y met fin.

Le niveau de l’arbitrage français

Tual, lors du Mondial 2019, la France avait 4 arbitres centraux retenus. En 2023, il n’y avait que Mathieu Raynal. Le niveau de l’arbitrage français baisse-t-il, ou se retrouve-t-il au sein d’un creux générationnel ?

T.T : C’est une très bonne question. Les arrêts de Pascal Gaüzère et Alexandre Ruiz, qui étaient programmés pour 2023, n’ont pas aidé notre corporation. Nous nous sommes retrouvés avec un creux. Il faut des années afin qu’un arbitre atteigne le haut niveau international. Ce n’est pas en moins de 4 ans qu’on transforme un bon arbitre de Top 14 en arbitre international. Il me semble toutefois ne plus voir de reportages télé, ou un papier sur 8 colonnes où on parle de problème de l’arbitrage français. Si cela reste à une polémique isolée lors d’un match… C’est peut-être ça le révélateur.

On vous suit…

T.T : Notre arbitrage s’est homogénéisé en Top 14 et Pro D2 : Franck Maciello a moins de difficultés aujourd’hui pour désigner un arbitre sur une rencontre. Nous avons peut-être un peu perdu en qualité avec les départs de Pascal et Alexandre, mais je crois en la génération montante. Elle va prendre la relève, et l’arbitrage français va avoir une place prépondérante au niveau international dans les années à venir.

Que diriez-vous au jeune qui se lance dans l’arbitrage pour qu’il ne baisse pas les bras de suite s’il fait face à des critiques, voire insultes ?

T.T : Je lui dirais qu’il ne faut pas brûler les étapes. Je vois bon nombre de jeunes arbitres vouloir devenir pro après 6 mois d’exercice : il faut prendre le temps, et c’est important. On ne se rend pas compte qu’il faut des années de pratique pour qu’un sportif atteigne le haut niveau, et on aimerait qu’un arbitre devienne pro au bout de 3 ans. La construction d’un arbitre doit se faire sur une longue période, pour savoir appréhender un certain nombre de choses. Il y aura des réussites, mais aussi des échecs, aussi bien liés à des critiques d’une équipe qu’un jour sans, qui peut arriver à tout le monde. Arriver au haut niveau, c’est aussi savoir rester un petit garçon, ne pas hésiter à avoir des étoiles plein les yeux. Quand je suis rentré au Stade de France lors des deux dernières finales de Top 14, je les avais. Cela vaut tout l’or du monde, et ça vaut bien quelques insultes de spectateurs (rires).

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Dernière question : après avoir officié lors de deux finales de Top 14, le Mondial 2027 est-il désormais votre objectif final ?

T.T : Je n’ai aucun signal de la part de World Rugby de me conserver ou pas. J’ai un signal fort de la part de l’EPCR qui m’a désigné sur deux gros matchs de Champions Cup. C’est une belle marque de confiance. Après, 4 ans, c’est long. Ai-je aussi le profil ? Je reste à ce jour le seul arbitre international non-professionnel. Est-ce une obligation pour être au Mondial ? Si oui, ai-je les moyens de le devenir ? À voir…

Clément MAZELLA, à la Ligue Nationale de Rugby à Paris 

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