XV de France – Pierre Albaladejo : « Le rugby est désormais moins convivial »

La légende du rugby a fêté le 14 décembre ses 90 ans. Il nous a parlé de quelques souvenirs, de ses années dacquoises et tricolores, d’un drame qui a marqué sa vie.

Vous venez de fêter vos 90 ans. Comment ça s’est passé ?

Très bien, et très simplement, en famille et avec des amis proches. Il n’y a pas eu de fête proprement dite. Mais le maire de Dax est venu frapper à ma porte. Je vis tranquillement, vous savez. Je me repose. Je pense à ma famille, à mes frères. Nous étions quatre garçons, deux ont disparu. Il me reste le plus jeune, Jean-Pierre, qui était là bien sûr. C’était un retardataire, il avait quatre ans de moins que moi. J’avais un frère aîné, Robert, qui n’a pas joué au rugby. C’était un ébéniste et un sculpteur de talent. Mais évidemment je pense beaucoup à mon frère, Raymond, qui avait deux ans de plus que moi, et qui a disparu trop tôt.

Il est décédé à 31 ans d’un accident de voiture en 1964, on a l’impression que ce fut l’un des drames de votre vie…

Oui, évidemment. Et ce n’était pas le moins doué de la famille croyez-moi. C’était un ailier crocheteur, il avait démarré par le foot, il y montrait des qualités. Et au rugby, il a donné tout son potentiel. Il était finaliste avec nous en 1963. Je pense souvent à lui, à cette mort soudaine. Ils étaient trois dans ce véhicule, avec Jean Othats, un centre international et Émile Carrère. Je me souviens de cette soirée, nous avions fait un match amical à Bègles en nocturne et je devais honorer une sélection je crois, en tout cas, je devais aller à Paris. Ils m’avaient déposé à la gare de Bordeaux et sont repartis vers les Landes dans la nuit. J’étais donc dans cette voiture. Quand j’y pense, je voudrais l’oublier. Mais comment l’oublier ?

On vous suit…

J’ai passé la nuit dans le train. Et je suis arrivé à l’hôtel Louvois, j’étais d’humeur légère, je plaisantais et puis, j’ai vu les employés de l’hôtel qui avaient une mine très grave. On m’a dit de rappeler chez moi, on m’a montré un téléphone. Vous imaginez… J’étais dans cette voiture, elle avait été prêtée à Milou Carrère, qui était mécano en plus, par le président René Dassé qui était parti lui, avec un autre dirigeant. Quel drame ! C’était l’époque, on faisait beaucoup de déplacements en voiture particulière et on se faisait rembourser après.

Finale du championnat de France le 22 mai 1996 à Toulouse, Agen gagne contre Dax (9-8). L'entrée des joueurs sur le terrain, avec Pierre Albaladejo (à droite).
Finale du championnat de France le 22 mai 1996 à Toulouse, Agen gagne contre Dax (9-8). L’entrée des joueurs sur le terrain, avec Pierre Albaladejo (à droite). Midi Olympique – Photo archives

Suivez-vous les résultats de l’US Dax qui est remonté en Pro D2 et ne s’y débrouille pas si mal ?

Oui, je suis content, je suis allé voir quelques matchs, quatre ou cinq. Je ne conduis plus, je n’y vais pas par mes propres moyens mais j’ai trouvé un très bon pilote en la personne de Jean-Louis Bérot. Je suis content, mais le rugby est devenu tout autre chose. Il a tellement changé. Et puis, les effectifs changent. Maintenant, quand on arrive près des vestiaires et qu’on voit les joueurs, on se demande : « qui c’est ? » À mon époque, tout le monde connaissait tous les joueurs. Quand je jouais à Dax, il n’y avait que des Dacquois.

Vous êtes forcément nostalgique du rugby de votre époque, non ?

Oui, je suis nostalgique de l’ambiances des vestiaires. Il y avait toujours un gars pour amuser les autres, pour les faire pleurer. Et puis j’ai l’impression que les matchs de mon temps duraient plus de 80 minutes, on passait du temps ensemble après les matchs, même avec les adversaires. On buvait des coups de rouge, ce n’était pas interdit. C’était comme ça. Parfois l’entraîneur prenait un gars à part pour que les autres n’entendent pas et il lui passait une engueulade. Maintenant, j’ai l’impression que les joueurs s’en vont très vite après le coup de sifflet, ils ont autre chose à faire. Ils ne passent plus de temps ensemble, entre adversaires, je me demande s’ils se saluent. Le rugby est devenu moins convivial.

Vous reparle-t-on de la fameuse finale 1963 contre Mont-de-Marsan ?

Oui, on m’en reparle évidemment. Votre journal m’a appelé pour en reparler il y a trois ou quatre semaines, non ?

Le rugby ? Maintenant, c’est trop mécanique

Oui, on a l’impression que c’est devenu un bon souvenir pour vous ?

Oui, c’est devenu un bon souvenir. Pourquoi, parce que ce match a marqué le début d’une grande amitié avec les Montois. Dans les dix ans qui ont suivi, tous les joueurs se sont rapprochés. Ils ont tissé des liens entre eux. Ce qui me reste de ce match, ce sont les jours qui ont précédé, l’avant-match fut dur à supporter. Très dur à cause de la pression et de cette étiquette de favoris qu’on nous avait collée. Nous les avions battus trois fois je crois dans la saison. Et puis l’aspect derby avait provoqué tellement de commentaires, de caricatures, de banderoles et tout ça. Je reviens sur ce que je viens de vous dire, cette finale contre Mont-de-Marsan, j’ai l’impression qu’elle a duré plus de 80 minutes, nous en avons tellement reparlé ensemble.

Quid du match mythique de 1961, le 0-0 avec les Springboks à Colombes ? Un match vraiment dur, n’est-ce pas ?

Oui, je m’en souviens. C’était dur oui. Les Springboks étaient forts, mais c’est nous qui avions voulu jouer les durs avec les Domenech, Crauste, Moncla etc. D’une certaine façon, ils nous avaient remis à notre place, mais on avait bien résisté. Je retiens de ce match son aspect médiatique. Cet affrontement dantesque a été très médiatisé, j’ai l’impression qu’il a vraiment lancé le rugby sur ce plan-là. On en a tellement parlé.

Et le jeu lui-même que pensez-vous de son évolution ?

Il a changé bien sûr. À notre époque, on jouait dans tous les sens, c’était un peu tout fou, je le reconnais. Ensuite, c’est devenu plus mécanique, et maintenant, c’est trop mécanique. Mais je reconnais que les joueurs actuels ont énormément de talent, ils sont préparés physiquement. Nous avons désormais des fournées de talents exceptionnels. Mais il y a une forme de violence avec tous ces chocs à répétition. Et ça n’existait pas avant.

Les footballeurs se comportent bien mais que parallèlement, je trouve que les rugbymen ne se comportent plus très bien

Regardez-vous les matchs à la télé ?

Oui, mais je choisis mes affiches. Je regarde aussi le foot et j’ai remarqué quelque chose.

Quoi donc ?

Je trouve que les footballeurs sont de plus en plus fair-play. On les dit imbuvables, pourris par le pognon. Mais dans leurs matchs, je vois des gestes de complicité et de fair-play entre adversaires, même des gestes amicaux après des tacles. Je dirais que les footballeurs se comportent bien mais que parallèlement, je trouve que les rugbymen ne se comportent plus très bien, je vois un peu moins de fair-play dans notre sport. Vous parliez de Pierre Salviac, on s’est notamment parlé le 29 octobre après le match La Rochelle-Castres. Un match que j’ai trouvé formidable par sa qualité et par sa tenue. Nous en avons parlé avec Pierre Salviac, supporteur de La Rochelle et ça m‘a donné une idée…

Laquelle ?

Et bien, j’ai eu envie d’appeler l’arbitre de cette rencontre, Monsieur Charabas. Je me suis procuré son numéro, je l’ai appelé, je me suis présenté et je l’ai félicité pour la tenue générale de cette rencontre. J’ai passé un moment agréable à parler avec lui. C’était la première fois de ma vie que je faisais ça, vous vous rendez compte ? Et j’avais l’impression de me donner une leçon à moi-même. Les arbitres sont si critiqués… J’avais envie de parler à l’un d’entre eux, pour le complimenter, j’ai découvert qu’il était en plus médecin. Chapeau.

Revoyez-vous des gens du rugby ?

Quelques-uns, mais c’est de Jean-Louis Bérot dont je suis le plus proche. Il m’amène aux matchs car je ne conduis plus et il m’aide aussi dans la vie de tous les jours sous divers aspects. Sinon, je vois aussi Claude Dourthe, Jean-Patrick Lescarboura…

Et Pierre Salviac, votre ancien partenaire sur France 2 ?

Il m’a téléphoné pour mon anniversaire, ceci après l’épisode de La Rochelle-Castres. Il est plus à Saint-Jean-de-Luz qu’à La Rochelle, désormais. Mais nous sommes encore proches. Je pense à lui en me disant que les gens pensaient qu’il ne connaissait rien au rugby. Quelle erreur, je repense à lui en me rappelant les moments que nous passions après les matchs à repenser aux événements que nous n’avions pas vus en direct. La fois suivante, il se faisait un devoir pour réparer son erreur. Quel professionnel c’était.

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